Créé en 2024, le label « Les Plus Belles Fêtes de France » (LPBFF) a pour ambition de valoriser les fêtes traditionnelles et populaires à travers le territoire. Présenté comme un outil de reconnaissance et de promotion, il offre aux organisateurs une visibilité nationale, un soutien financier, des réductions auprès de partenaires tels que la Sacem, ainsi qu’une future mise en avant dans un guide Michelin.
Depuis juillet 2025, ce projet est toutefois fragilisé par la révélation de liens financiers et organisationnels avec le milliardaire Pierre-Édouard Stérin, connu pour son engagement public en faveur de causes conservatrices et de mouvements d’extrême droite.
Les engagements idéologiques de Pierre-Édouard Stérin
Entrepreneur et mécène, Pierre-Édouard Stérin est à l’origine du Fonds du bien commun, qui finance de nombreux projets éducatifs, culturels et politiques. Catholique traditionaliste, il défend une vision nataliste et promeut un modèle de société fondé sur des valeurs chrétiennes conservatrices.
Il est également à l’initiative du projet « Périclès », acronyme de Patriotes, Enracinés, Résistants, Identitaires, Chrétiens, Libéraux, Européens, Souverainistes. Ce programme vise à favoriser l’union des droites et de l’extrême droite afin d’obtenir une victoire électorale. Dans ce cadre, M. Stérin a déjà financé des influenceurs, des écoles privées confessionnelles et des initiatives militantes.
Lors d’une conférence organisée en juillet 2025 par l’Institut du Bon Pasteur, M. Stérin a déclaré vouloir placer comme priorité « une politique nataliste chrétienne et de souche européenne ». Ces prises de position, ainsi que son soutien à des personnalités et mouvements identifiés à l’extrême droite, expliquent pourquoi son implication dans le financement du label est perçue comme problématique par plusieurs collectivités locales et organisateurs de festivals.
Une vague de retraits
À la suite de ces révélations, plusieurs communes et associations ont annoncé leur retrait du label. C’est le cas de festivals en Bretagne (La fête de la pomme de terre à Plœuc-L’Hermitage, la Fête des Islandais à Paimpol, Grain d’Pirate à Binic, les Grandes régates de Port-Navalo), au Pays basque (Hendaye, Hasparren et Espelette), ainsi qu’en Gironde (Bazas et Lesparre-Médoc).
Dans le Sud-Ouest, certaines manifestations emblématiques comme les Médiévales du Pays Toy (Hautes-Pyrénées) ont également pris leurs distances. En revanche, d’autres événements maintiennent leur adhésion, comme l’Omelette géante de Bessières (Haute-Garonne) ou les Historiques de Bidache (Pyrénées-Atlantiques), en affirmant leur volonté de rester apolitiques.
Des organisateurs inquiets d’une instrumentalisation
Pour de nombreux responsables locaux, la découverte de ces liens financiers a suscité un sentiment de méfiance. Plusieurs élus et associations expliquent avoir adhéré en confiance, séduits par un projet présenté au Sénat et soutenu publiquement par des personnalités comme Stéphane Bern. Beaucoup estiment ne pas avoir été informés de l’implication de Pierre-Édouard Stérin et dénoncent un manque de transparence.
Certains parlent d’une tentative « d’infiltration » du monde rural et associatif, craignant une instrumentalisation politique des fêtes populaires. Si les aides proposées par le label sont jugées attractives, plusieurs organisateurs rappellent que leurs événements, parfois centenaires, disposent déjà d’une forte légitimité et n’ont pas vocation à être associés à un projet idéologique.
Une association qui se défend
De son côté, l’association LPBFF conteste toute orientation partisane. Ses responsables affirment que le label a été créé pour répondre aux difficultés rencontrées par les organisateurs de fêtes traditionnelles : baisse du bénévolat, contraintes financières et manque de visibilité. Ils insistent sur le caractère apolitique de leurs actions et rappellent n’être jamais intervenus dans la programmation des événements.
L’association reconnaît avoir bénéficié du soutien financier du Fonds du bien commun, mais le présente comme un mécénat parmi d’autres.
Un avenir incertain
Alors que la polémique continue d’alimenter le débat, le Guide Michelin consacré aux fêtes labellisées, annoncé pour l’automne, pourrait également être reconsidéré. L’éditeur a indiqué vouloir « examiner la situation » afin de garantir le caractère strictement culturel et apolitique de ses publications.
À ce jour, une soixantaine de fêtes restent inscrites sur le site des Plus Belles Fêtes de France. Mais plusieurs organisateurs, encore en réflexion, annoncent qu’ils prendront leur décision définitive à la rentrée.
Sources :
- Franceinfo, « Polémique : plusieurs fêtes du Pays basque et de Gironde quittent un label après la révélation de liens avec l’extrême droite » par Justine Roy et Laurianne De Casanove. Publié le 08/08/2025 à 07h05.
- Franceinfo, « “On tranchera à la rentrée” : la polémique sur Pierre‑Édouard Stérin fait vaciller le label “Les Plus Belles Fêtes de France” », par Sylvain Duchampt et AFP. Publié le11/08/2025 à 13h30 et mis à jour le13/08/2025 à 16h36.
- Franceinfo, « Le label “Les plus belles fêtes de France”, lié à Pierre-Édouard Stérin, créé un malaise dans les festivals bretons », par Séverine Breton. Article publié le 14/08/2025 à 12h50.
- Le Monde, « Une dizaine de communes se retirent du label « Les plus belles fêtes de France » après la révélation du financement par Pierre-Edouard Stérin », par François-Régis Couteau. Publié le 16 août 2025 à 11h00 [article réservé aux abonnés].